Comme promis, je vais vous raconter et vous décrire le dispositif qu'on a mis en place pour sortir la turbine, cette grosse dame de 4m de diamètre et d'un poids indéterminé mais qu'on estime au bas mot à 6 tonnes, cette estimation restant sans doute à affiner quelque peu.
Cet article sera un peu long, mais il y a tellement de choses à dire aujourd'hui sur ce qui s'est déroulé le week-end dernier. (certaines images sont cliquables pour être aggrandies)
le matériel d'abord.
- des cables de 11mm de diamètre de 20m de long faits pour porter 1,6 tonnes.
- des poulies pour démultiplier la force que les cables tireront
- des cordages
- 2 treuils pour actionner le tout.
- et ça : 2 barres métalliques de 6m de long à section rectanguaire.
Enfin, ça c'était il y a quelques semaines avant que toute l'installation ne soit mise en place.
Dans ces barres, il a fallu percer des trous et faire des soudures :
d'un coté pour poser les barres sur leur support dans une tige métallique rouillée de récup... le tout coincé dans un rail.
et de l'autre pour les assembler et y mettre une poulie qui servira à passer le cable dont le rôle sera de soulever la turbine :
Les barres étant maintenant prètes, on va pouvoir les positionner au-dessus de la turbine.
(photo cliquable)
Ensuite, il n'y a "plus qu'à" tirer les cables et les cordes pour dresser cette structure.
A la base des poutres, de part et d'autre, il y a un énorme rail sur lequel reposent les poutres et qui les maintient.
et ces rails sont bloqués à leur autre extrémité contre les anciennes portes des vannes pour ne pas qu'ils glissent. On est parfois obligé d'avoir recours au système D pour arriver pile poil contre le pilier ancré dans le sol... mais on finit toujours par y arriver.
Tout est maintenant en place et plus rien ne peut bouger. Tirons les cables :
(photo cliquable)
La première journée arrive déjà à sa fin. La nuit commence à tomber alors qu'on met la tension dans les cables pour se faire une première idée du comportement qu'on va avoir.
(photo cliquable)
quelques vérifications sur l'ordre des cordes, la place des cables...
Et c'est la fin de la première journée. On rentre se reposer. La journée a été froide et venteuse. La fatigue commence à bien se faire sentir.
Et la question qui revient en boucle au sujet de ce qui nous attend demain : sortira ? sortira pas ? On n'ose pas faire de pronostic à se stade du processus. Tous les calculs ont été faits. Si elle pèse ses 6 tonnes, il n'y a pas de raison qu'elle ne vienne pas... On refait une ènième fois un tracé des forces en présence. Normalement, ça passe.
La nuit est passée. Une grosse journée en perspective nous attend. Un gros stress aussi. Parce que soulever un tel engin n'est pas une mince affaire. Et il ne faut pas oublier les risques qu'il y a à le faire.
Une corde qui lache et c'est un coup de fouet phénoménal. Pire, un cable qui pète avec une tension de 2 tonnes (celle à laquelle il sera soumis), et c'est un champ de bataille qu'on retrouve après.
Et je ne parle même pas d'une possibilité de flambage d'une des 2 poutres...
Nous voilà donc repartis, le voilier magistral qu'on a mis en place nous attend à son quai avec sa grande voile d'acier.
(photo cliquable)
Une petite précision à se stade de l'opération : la corde qui est au milieu et sur laquelle on voit le treuil sur la photo ci-dessus servira à lever la turbine, alors que celle qui est au-dessus a un deuxième treuil qu'on ne voit pas ici et qui servira à maintenir l'arche métallique en place pendant le levage. L'objectif étant qu'une fois sortie de l'eau, c'est ce second treuil qui va entrer en jeu pour rapprocher l'arche de la verticale et déposer délicatement la turbine sur la dalle en béton.
La tension est dans les cordes et dans les esprits. On fait les dernières vérifications, les dernières précautions.
Des morceaux de cahoutchouc pour protéger les cordes.
On solidarise ce qui peut l'être. Même s'il n'y aura pas de gros efforts entre la poutre et le rail, on fait en sorte que ces deux là ne se quittent pas.
Toutes les cordes qui vont maintenir la structure en place sont solidement arrimées au pilier :
Toujours dans un soucis de protection, on fixe la grosse poutre la térale, de façon à ce qu'elle ne se mette pas à danser toute seule.
Et là, on est fin prêt !
Il n'y a plus qu'à tirer la bête.
le temps de prendre un peu de recul et respirer un coup et on y retourne.
C'est parti !
Le treuil du milileu pour lever la turbine :
On vérifie régulièrement comment tout ce petit monde se comporte.
Et le treuil du fond, celui qui maitient la tension et la position des 2 pilier au-dessus de la turbine.
Dans le doute, vu qu'on est jamais trop protégé, on en rajoute un peu. Et on barricade l'emplacement.
La tension continue à monter et la turbine ne bouge toujours pas.
Plutôt que de continuer à se trouver au milieu de tous ces cordages, on met en place la commande à distance sur le levier central : 2 petites cordelettes pour actionner ce levier.
et pouvoir continuer à tirer alors qu'au milieu ne reste qu'un no-man's-land.
Et on continuer à tirer comme ça...
On vérifie la tension dans les cables sans pouvoir vraiment déterrminer s'ils sont prêts à céder.
On va voir dans quelle mesure la turbine s'est soulagée de son poids. On arrive à la soulever avec un pied de biche. Oh, à peine, mais elle bouge...
Et on se questionne. Faut-il continuer ? On a déjà une sacrée tension. les leviers deviennent durs à manier.
Et la volonté fait place au doute.
Est-ce que ce n'est pas une folie, ce qu'on est en train de faire. On a beau avoir mis des cordes pour actionner ce fichu treuil. On reste aux premières loges si quelque chose casse.
Et une autre tension, palpable celle-là, commence à monter entre nous. On sens bien que continuer serait déraisonnable.
Et le doute fait place à la résignation.
Stop. Nous n'irons pas plus loin.
Eh oui, l'opération "sortie de turbine" est un échec. Notre première grosse contrariété depuis que les travaux ont commencé.
Mais nous n'avons pas dit notre dernier mot. Avec des cables plus longs on pourrait être à l'abri et tirer de toutes les forces que permettent les appareils. Et si ça casse, eh bien ça cassera, mais pas sur nous !
Et on trouvera un autre moyen de la sortir. Un autre dispositif à base de poulies et de rails, cette fois est à l'étude.
Disons qu'on a perdu une bataille, mais pas la guerre....